mardi 18 décembre 2012

Chercher la vie


 Chercher la vie.

   Un jour, alors que je l'observais dans le miroir de ma chambre avec une rancune sans pareille, je l'ai perdue, la vie.
Proche mais je ne pouvais la toucher, visible mais je ne pouvais l'attraper, telle un reflet dans une eau sombre, inaccessible, froide et vague…
Je l'ai cherchée, partout, partant de ces eaux pour aller vers d'autres horizons prometteurs. Tous des menteurs. Tous parlaient de vie, et offraient la mort. J'ai poursuivi un chemin incertain parmi les feuilles et les arbres, les branches et les brins. Et plus mes pieds se gerçaient, coulaient leur sang dans la terre mouillée, plus je comprenais de qui cette nature maudite se jouait.
J'étais blessée, meurtrie par les horreurs que la menaçante misère de ma mélancolie  déversait au travers de ces pluies torrides, reflet de mes larmes sans limites, sans écoute…
La mort me faisait de l'œil! Chaque arbre, chaque pierre, chaque édifice en ruine semblaient m'ouvrir leurs bras au sommeil éternel, bras veineux et amaigris, comme moi, qui commençait à ressembler à ce monde de mélasse, de nuit éternelle et de mort.
Oui, j'avais été bête. Je marchais dans le froid, mon dieu, ce froid qui transperçait les ports de ma peau grise et fine, telle une multitude de vers affamés, prêts à creuser leur chemin  jusqu'aux os, s'il le fallait, pour trouver à manger.
Bête.
Voilà ce que j'étais, avant, au sens figuré, et que je suis maintenant, au sens propre.
Je repense à mon miroir. Dernière image, ultime souvenir de ma vie dans le monde que j'ai laissé derrière moi. Un monde de chaleur, de lumière, dont j'avais tant voulu m'échapper, jadis.
Je regrette.

                                                    Lucie Tinelli

La fragile au pendentif

La fragile au pendentif :

Il est posé là, sur son chevet, et elle l'observe, curieuse.
Le petit bout de fer, forgé à la main, accroché à sa chainette, reste lorsqu'elle le touche, tout aussi chaud que le jour où il sortit du four. Il souffle, lorsqu'elle le caresse, une douce bise fraichement émanée de son attache. Un grave murmure traverse les doigts de la petite, il lui dit des choses. Des choses belles, des choses calmes. Il lui dit des mots frêles, des maux d'âme. Elle le sent, à travers sa main blanche et frêle, la force du feu dans lequel ce fer fut blanchi, le poids de l'enclume sur laquelle la puissance du marteau s'abattit. Ainsi que la main. Oui! La main de l'homme qui magnat les monstrueuses dents. Celles de la bête de cet art fiévreux qu'était de frapper pour rendre beau. Frapper cet objet si fort, sans jamais le détruire, et le laisser atterrir là, devant l'enfant, émerveillée par la dignité de ce tourment.
Quel moment! Tristement, elle sourit, et retire son poing à présent serré, de la table.
Le murmure cesse.
C'est le vide. Où est passé le chant délicat de l'homme dont toutes les forces de son amour furent réunies ce soir là, ce soir où il dut partir, et délaisser sa fille, avec comme souvenir de lui, un soupçon de magie ?
                            Lucie Tinelli

Le lac N


Le Lac N.

Le soleil se lève sur le lac reluisant
Faisant refléter l’eau sur le plumage blanc
Des mouettes matinales volant au milieu
De la surface bleu colorée de mille feux

Parmi ces doux nuages s’étend le beau jour
Revivant, si soudain après cette nuit sombre
Ceci est l’œuvre de la nature velours
Qui veille sur l’être en lui faisant nulle ombre

Assise sur un rocher creusé par le temps
Se trouve toute émue, ingénue, une enfant
Elle est là, et ce depuis le petit matin
Impatiente elle attend, sa caméra en main

La nature s’offrant à cette âme innocente
La faisant savourer la matinée venue
Malgré la journée s’annonçant rude et méchante
C’est l’amour de la vue qui lui compte le plus

Ses yeux s’en abreuvent et épanchent sa soiffe
De la vie elle n’appartient pas bien fort
Elle à son univers et sa nature encore
Peu l’importe la solitude, elle s’esclaffe

Ces bateaux qui flottaient sur un miroir d’or
Se tiendront  à tout jamais encrés dans mon cœur
Quand bien même l’ennui, quand bien même la mort
Ce monde qui est mien ne me fera plus peur.

                                                Lucie Tinelli


Vue du port de Neuchâtel, un matin doré.